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1 mai 2006 1 01 /05 /mai /2006 19:45

Source : Association 1901 AVS, contrôle de la viande halal.

 
 

LA VIANDE HALÂL : DES ENJEUX / DES RISQUES

La production et la commercialisation de viande halâl n’ont cessé de croître au cours de ces dernières années. Phénomène national et international produit par les migrations de populations musulmanes, le marché halâl global était estimé à 150 milliards de dollars annuels par un rapport du BMI, Bureau des marchés internationaux, en 2001.

Peu d’études ayant été menées, il est extrêmement difficile de mesurer la taille réelle du marché français, et donc d’évaluer l’ensemble du chiffre d’affaires réalisé sur notre territoire. Néanmoins tous les observateurs économiques affirment avec certitude que les entreprises qui investissent dans le « halâl » connaissent une croissance que jalouse bon nombre d’enseignes de l’agro-alimentaire.

Afin de préserver la continuité de cette expansion, certains obstacles doivent être toutefois, surmontés : Définir correctement les éléments qui déterminent qu’un produit est halâl ou non en prenant en considération la diversité des habitudes culturelles, des écoles religieuses et des cadres législatifs des pays d’origine ; Surmonter les contraintes économiques, politiques et juridiques propres à la France et à chaque pays ; ….

Partant de ce constat, les autorités européennes ont depuis quelques années fait évoluer leurs réglementations en introduisant la notion d’ « abattage rituel » afin de consentir une dérogation à l’étourdissement préalable des animaux et par voie de conséquence permettre l’essor de ce marché.

Il apparaît donc très clairement que le halâl est devenu un enjeu dont les répercussions affectent l’ensemble des parties de la société.

Néanmoins, il est fondamental de rappeler que pour tout musulman, le terme halâl porte avant tout un sens spirituel et de relation au créateur trop souvent occulté par les finalités lucratives et commerciales des acteurs présents sur ce marché.

Ainsi, le risque premier auquel nous sommes confrontés en tant qu’hommes et femmes de foi est bien le fait d’oublier la connotation première de ce terme au détriment du concept de marché.

Pour autant, nous ne pouvons faire abstraction de cette dernière dimension qui met en évidence la complexité face à laquelle nous nous trouvons. En effet, un marché est composé d’acteurs, de confessions et de catégories socioprofessionnelles différentes dont les intérêts et les exigences sont très diverses. Les soucis des consommateurs de confession musulmanes ne peuvent être comparés à ceux des bouchers d’une même confession et encore moins à ceux de l’agriculteur ou du distributeur dont la confession nous est inconnue.

Nous savons parfaitement que marché équivaut à business et que business équivaut bien trop souvent, malheureusement, au risque de fraude et de triche.

UNE RESPONSABILITE / UN DEPOT

Comme nous venons de le rappeler, pour tout musulman, le terme halâl porte avant tout un sens spirituel et de relation au créateur, trop souvent occulté par les finalités lucratives et commerciales des acteurs présents sur ce marché.

Nos objectifs s’inscrivent donc dans un projet plus global d’adoration d’Un Dieu Unique, dans le respect des préceptes
Coraniques :

« Dis : Il m'a été ordonné d'adorer Allah en Lui vouant exclusivement le culte. »
Coran v. 11 – s. 39

« Je n'ai créé les djinns et les hommes que pour qu'ils M'adorent. »
Coran v. 56 – s. 51


Cependant, adorer Allah repose tout d’abord sur une exigence individuelle, symbolisée par la rigueur nécessaire à la pratique des cinq piliers de l’Islam, puis sur une conscience et une responsabilité. Le Tout Puissant nous remémore le pacte originel par lequel nous avions accepté une bien lourde responsabilité :

« Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité . Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l'homme s'en est chargé; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. »
Coran s. 33 – v. 72


Rappelons-nous de ce jour où les anges interpellèrent Le Créateur au sujet de ce dépôt comme pour Le mettre en garde sur notre incapacité à gérer avec justice. Allah leur rappela ce jour là que toute la connaissance Lui appartenait et qu’Il savait parfaitement les raisons et les conséquences de ce dépôt :

« Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges : "Je vais établir sur la terre un vicaire "Khalifa ". Ils dirent : "Vas-tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier? " - Il dit : "En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas! ".»
Coran v. 30- s. 2

Ainsi, lorsque nous faisons référence au halâl, nous nous inscrivons dans le champ des actions permises ou recommandées par Le Divin ou plus simplement dans le champ de notre relation au Créateur de l’Univers.

Mais de façon plus explicite, ce terme a pris un sens très particulier en France et il nous renvoie presque automatiquement à la licéité des viandes consommées.
C’est pourquoi, par ce souci d’une relation fidèle et rigoureuse à Allah, de nombreux musulmans portent cette constante préoccupation de voir leurs viandes sacrifiées selon le rite purificateur accomplie par notre bien aimé Prophète Mohammed (PBSL) et établie préalablement par l’ami intime d’Allah, Ibrahim (PSL).

Au-delà donc de tout enjeu, la préoccupation de chaque croyant est d’avoir la certitude d’une consommation pure et saine, dans le respect de cet engagement et de ce pacte premier que nous avons fait avec Allah.
Cette préoccupation ne réside toutefois, pas uniquement dans le fait de savoir ce qui se trouve dans notre assiette, mais bien dans le fait d’assumer ce dépôt qui nous a été confié. C’est ainsi qu’en amont, nous comprenons le souci qu’avait le Prophète (PBSL) du traitement des animaux ou de l’état des bêtes qu’il s’apprêtait à sacrifier. En effet, cet aspect comme beaucoup d’autres, prend un sens bien particulier pour le musulman lorsque nous abordons la question du halâl.

UN SOUCI / UNE CONSCIENCE

Etre avec Dieu, l’aimer, porter Sa Lumière en ce monde ou plus généralement avoir la conscience intime de Dieu est un combat, une lutte, un souci qui portent notre regard vers l’au-delà.
Certes le Tawhid est un processus qui nous libère de toute emprise humaine, un processus porteur de sens à toutes les échelles de la vie sociale, familiale, économique, politique …, mais surtout un processus qui nous rappelle l ’Heure, le Grand rendez vous, et qu’au-delà de cette vie, il existe une Vie et que ce monde n’est qu’une étape.
Ainsi porter le souci du halâl, c’est avant tout œuvrer en ce monde avec désintéressement dans le souci des limites sacrées de Dieu, mais c’est aussi agir dans le respect des finalités du message divin.
Paradoxalement, tout porte à croire que nous sommes devenus de véritables techniciens du halâl dont la vigilance se limite bien souvent aux apparences. A l'heure de la mondialisation et de la montée de l’individualisme notre seule préoccupation se focalise sur ce qui nous distingue, ce qui fait la différence, ce qui nous rassure dans notre « islamité ».
Quelle sorte de « Croyants » sommes-nous donc devenus ? Que répondrons-nous le jour où nous serons interrogés sur notre consommation ? Que dirons-nous de notre responsabilité devant Dieu et devant les hommes ?
Ce message devrait, en effet, influer sur notre comportement, ainsi que sur notre regard sur le monde pour que nous puissions le transformer et le réformer. Mais, Allah conditionne le succès de notre mission par un processus, par un effort, par une conscience d’abord intime :

"…Dieu ne change pas ce qui est en un peuple avant qu'ils ne changent ce qui est en eux-mêmes…"
Coran s. 13 – v. 11


On raconte l’histoire d’un berger inculte : Le compagnon du Prophète (PBSL) Abdullah Ibn Omar lui demanda de lui abattre un mouton mais il refusa puisque le propriétaire du troupeau ne lui avait donné que l’autorisation de les traire pour des étrangers mais pas de nourrir ces derniers en viande. Abdullah lui suggéra alors de payer le mouton et que lui, berger, dirait au propriétaire que le mouton avait été dévoré par un loup. En entendant cela, le berger s’écria à plusieurs reprises:
« Où est alors Dieu? Où est alors Dieu? » Tel est la véritable conscience de Dieu.
Nous préoccupons-nous véritablement du halâl en son sens le plus profond ? Il apparaît vraisemblablement que notre souci soit limité au contenu de notre assiette et que notre relation aux bouchers repose sur une confiance aveugle ; comme si confiance rimait avec insouciance. Aurions-nous oublié cette exigence que portaient les premières générations de musulmans envers leurs Frères ? Rappelons-nous combien l'exigence peut être preuve d'amour car l'amour est exigeant !
Oui, s’aimer en Dieu, c’est aussi soutenir son frère en toute circonstance afin qu’il soit vigilant à suivre la voie, et c’est surtout avoir une conscience collective du respect des limites et des finalités recommandées par Dieu. Le halâl doit donc être un souci commun assumé par chaque musulman quelque soit son rôle afin que la lumière de Dieu soit accomplie.
Le sacrifice est une dérogation que Le Créateur donne aux humains, en les autorisant à prendre la vie de créature de par Son Nom. La consommation de ces viandes ne peut donc être accomplie sans le souci du traitement des animaux, ou du rite purificateur. Ce souci passant par une exigence individuelle et collective.

UNE RIGUEUR / UNE EXIGENCE

Lorsque nos savants souhaitent résumer le message islamique, ils font souvent référence au hadith selon lequel l’ange Gabriel (PSL) se présenta un jour sous forme humaine à Mohammed (PBSL) alors qu’il était avec ses compagnons, et qu’il l’interrogea successivement au sujet de l’Islam (la soumission en paix) puis de l’Iman (La foi portée), puis de l’Ihsan (L’excellence)…. Il est important de prendre en considération l’ordre par lequel l’Ange interrogea notre instructeur et éducateur, notre bien aimé Prophète (PBSL). Ainsi, l’Islam est la porte d’entrée de ce message. Mais qu’est-ce que l’Islam? quelle fut la réponse de Mohammed (PBSL) à cette première question ?
« l'Islam, c'est la soumission à Dieu, basée sur la pratique des cinq piliers : le double témoignage (shahada) de l'unicité divine et de la révélation mohammadienne, la prière, la zakât(impôt social purificateur), le jeûne du mois de ramadan et le pèlerinage à la Mecque »
Ce n’est rien de plus, ni de moins que la pratique des cinq piliers que nous connaissons bien. Hors, ces cinq piliers sont le symbole de la nécessaire pratique, de la nécessaire rigueur, de l’indispensable exigence dans le cheminement vers le Tout-puissant. Chacune de ces pratiques est composée de rites précis qui doivent être réalisés avec conscience et rigueur.
Ainsi, la foi étant exigence et le halâl le cadre permettant l’accès à la foi, nous nous devons d’agir avec rigueur dès lors que nous agissons avec cette intention de nous conformer à l’ordre divin.
A tous les maillons de la chaîne du marché de la viande, nous trouvons des frères et des sœurs qui agissent avec une sincère intention, mais qui agissent bien trop souvent en dénuement de toute rigueur : Combien de vendeurs de viande se proclament boucher sans la moindre formation ? Combien de sociétés de viande dirigées par des musulmans fonctionnent dans l’irrespect total de la législation ? Combien d’acteurs économiques s’autoproclament contrôleur sans discipline, ni auto exigence, ni même formation ?
Agir avec foi, c’est agir avec exigence et par voie de conséquence avec connaissance. Allah nous enseigne cette nécessité au travers de la révélation et de la mission prophétique, au travers de multiples exemples. La connaissance d’un marché troublé par des intérêts polluant toutes les intentions, la connaissance des acteurs de ce marché, la connaissance d’un rite et de ses exigences sont autant de conditions sine qua non à une quelconque action.
Tout ce savoir ne pouvant être réuni en une seule personne, il devient impératif de se spécialiser et d’interagir avec rigueur et avec foi afin d’aboutir à la réforme de cette situation qui n’a que trop duré.

UN SUIVI / UNE TRACABILITE

L’appellation halâl n’étant pas légiférée en France, nombre de bouchers et autres détaillants l’utilisent seulement à des fins commerciales négligeant son caractère religieux. On dénombre aujourd’hui, pour la seule région parisienne, plus d’un millier de boucheries proposant exclusivement des viandes dites halâl. Or, leurs principaux fournisseurs se trouvent au marché d’intérêt public (M.I.N) de Rungis, plate-forme où transitent toutes sortes de viandes vendues à des prix forts intéressants.

Cependant, ces viandes et produits carnés provenant de pays où la main d’œuvre est bon marché sont vendues aux détaillants, parfois sous le label halâl, alors qu’aucune garantie ne peut être apportée en ce sens.
Il convient donc de se donner les moyens d’apporter ces garanties manquantes. Toutefois, La principale contrainte à laquelle sont soumis les consommateurs pour s’assurer de la qualité halâl de leurs viandes réside dans la multiplicité des intervenants. La présence de très nombreux opérateurs aux différents stades de l'élevage à la distribution, en passant par l'abattage et la transformation impose, en effet, une multitude d'opérations de saisie, de transfert et de vérification d'informations, qui peuvent être autant de sources d'erreurs ou de falsifications. Pour se prémunir contre toute faille dans la « chaîne d'information », il convient donc de développer des dispositifs assurant une traçabilité infalsifiable et continue.

La sécurité alimentaire, comme la restauration de la confiance des consommateurs, passe donc par une amélioration des dispositifs de traçabilité des produits dits halâl et une information plus complète et désintéressée des consommateurs.
Les acteurs économiques ne pouvant se promouvoir juge et partie, les consommateurs doivent donc se donner les moyens de créer des contre-pouvoirs permettant de « juger » avec intégrité les intervenants agroalimentaires. L’objectif n’étant pas de « juger » mais bien d’assurer un suivi des viandes pour en assurer la qualité et surtout en assurer la conformité au rite religieux.
Le rétablissement de cette confiance ne repose donc pas uniquement sur un effort des bouchers ou autres acteurs économiques, mais d’avantage sur une prise de conscience active des consommateurs musulmans.

DES OUTILS / DES CONTROLEURS

De ce qui précède, nous pouvons humblement tirer la conclusion que le halâl est devenu un enjeu dont les risques multiples affectent de nombreux acteurs socioéconomiques. Mais, le risque majeur qui guette les musulmans est bien le fait d’oublier la dimension spirituelle de ce terme ; Et surtout, le fait de devenir insouciant de la responsabilité (amanat) qui nous a été confiée par Allah.

C’est en cela, que doit nous inquiéter le manque récurrent de rigueur et d’exigence de notre communauté et c’est à ce niveau qu’il convient d’agir. Dès lors, tout lecteur se posera logiquement nombre de questions : Comment agir ? Par où commencer ? Avec quels moyens ? Quels outils ?

Il convient tout d’abord de se souvenir que certains principes doivent être perpétuellement préservés : Nous ne pouvons agir sans connaissance, comme nous ne pouvons agir avec intérêt ; nous ne pouvons agir sans spécialisation ; comme nous ne pouvons agir avec individualisme.
Il convient donc d’agir collectivement, avec conscience de Dieu et rigueur, en connaissance des règles et de la réalité de ce marché. Chaque croyant doit porter cette responsabilité d’une exigence de suivi des viandes consommées sous le label halâl.
Toute société juste est fondée sur une interdépendance des acteurs qui la composent.
L’un des outils donnant accès à cette corrélation entre consommateurs et autres acteurs doit naître d’un contrat de transparence par lequel un organisme tiers issu de la communauté des consommateurs musulmans garantirait aux acheteurs de ce secteur une information sur la composition et la qualité (halâl) des produits servis. Cet organisme assurant aussi et surtout le respect d'un cahier des charges en matière de traçabilité et de contrôle. Ainsi, Les conditions du parachèvement de notre mission quant à notre responsabilité au sein de ce marché seraient amorcées.
Cet organisme doit se doter des moyens lui permettant une traçabilité efficiente, par des outils de contrôle, une formation adéquate, une connaissance réelle et une présence effective à chaque maillon de la chaîne. Mais il devra surtout permettre un contrôle extérieur à son activité par les consommateurs afin que la chaîne de cette interdépendance soit bouclée.
Ainsi, nous ne serons finalement dépendants uniquement de Dieu, notre Créateur Tout Puissant qui reste Seul Savant.

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